Sanctionner un salarié pour des propos tenus sur des réseaux sociaux
I. Visibilité du message.
Déterminer si les propos tenus par le salarié sur Internet ou sur les réseaux sociaux sont de nature publique ou privée donne lieu à un abondant contentieux.
La jurisprudence s’attache traditionnellement à vérifier le paramétrage du compte pour considérer que :
– lorsque les propos sont tenus sur une page ouverte au public, ils présentent un caractère public :
L’employeur peut alors sanctionner le salarié qui tient des propos excessifs ou injurieux ;
– lorsque les propos, en revanche, sont tenus sur une page ou un réseau social dont l’accès a été restreint à un nombre limité de correspondants, ils relèvent de la sphère privée et ne peuvent pas être sanctionnés.
Ainsi, des propos injurieux tenus par une salariée sur sa directrice mais accessibles aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint, ne constituent pas des injures publiques (Cass. 1re civ., 10 avril 2013, n° 11-19.530).
De même, lorsque les propos sont diffusés à travers un groupe privé, dont l’accessibilité est restreinte aux seuls membres et que ces derniers sont peu nombreux (par exemple 14 personnes), ils présentent un caractère privé et l’employeur ne peut pas les sanctionner (Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 16-11.690).
Pour conférer un caractère privé aux propos tenus, la jurisprudence vérifie donc, outre les paramètres de confidentialité du compte, s’ils ont été diffusés ou non à un nombre restreint de personnes.
En effet, certains propos, même tenus dans le cadre d’un groupe fermé accessible uniquement à des personnes agréées, peuvent être diffusés à des dizaines voire des centaines de personnes. Dans ce cas, il est probable qu’en cas de contentieux le juge considère qu’ils aient perdu leur caractère privé.
La jurisprudence sanctionne de manière systématique toute intrusion de l’employeur dans la sphère privée du salarié.
L’employeur peut être condamné à des dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée lorsqu’il tente de recueillir les propos tenus sur la page personnelle du salarié alors que ce dernier en a limité l’accès, par exemple lorsque l’employeur utilise le téléphone portable d’un autre salarié de l’entreprise qui a accès à ce réseau (Cass. soc., 20 décembre 2017, n° 16-19.609).
En revanche, la publication par un salarié d’images sur LinkedIn provenant de documents internes à l’entreprise, peut justifier son licenciement disciplinaire pour non-respect du secret professionnel et de l’obligation contractuelle de confidentialité figurant dans son contrat (CA Paris, 23 février 2022, n° 19/07192).
De même, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, les juges pourront utiliser la page LinkedIn du salarié pour évaluer le montant de dommages et intérêts (Cass. soc., 30 mars 2022, n° 20-21.665).