Peut-on licencier un salarié en raison de son incarcération ?
La dynamique complexe entre le monde professionnel et les événements personnels peut être mise à l’épreuve lorsqu’un salarié se fait incarcérer. Face à l’incarcération de l’un de ses salariés, l’employeur doit faire face à une situation complexe nécessitant un examen des dispositions légales et conventionnelles et les implications qu’elle peut avoir sur le travail et l’entreprise.
Il est important de noter que la simple incarcération d’un salarié ne constitue pas, en soi, une justification valable pour un licenciement. Il est impératif de reconnaître le principe de présomption d’innocence dont chaque individu peut se prévaloir et dont la culpabilité ne peut être établie qu’à l’issue d’un jugement. Ainsi, si un employeur prend la décision de licencier un salarié sans vérifier si l’obstacle à l’exécution de son contrat de travail lui est imputable, le licenciement sera sans cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire nul.
Dans un premier temps, le salarié a la responsabilité d’informer son employeur de la durée prévisible de son absence et des motifs qui la motivent. Le salarié ne peut pas mentir sur les raisons de son absence puisqu’une telle dissimulation pourrait constituer une faute grave pouvant conduire à son licenciement.
Trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que cette issue puisse être envisagée:
- Le salarié n’a pas informé son employeur de son absence ;
- Le salarié ne parvient pas à prouver qu’il a été dans l’incapacité de prévenir son employeur de son incarcération ;
- L’absence du salarié désorganise le fonctionnement de l’entreprise.
Par la suite, seules les circonstances entourant l’incarcération du salarié permettront de fonder la légitimité de son licenciement. A ce titre, il faut distinguer selon que les faits ayant conduit à son arrestation ont été commis pendant ou en dehors du temps et du lieu de travail :
Si les faits à l’origine de cette détention relèvent de la sphère privée du salarié, ils ne peuvent, en soi, justifier un licenciement. Cependant, et de manière exceptionnelle, si cette absence du salarié perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise, nécessite un remplacement urgent et définitif ou entraîne une désorganisation de la structure, une procédure de licenciement pourra être envisagée. Dans ce cas, les juges examineront concrètement les mesures prises par l’employeur afin d’éviter le licenciement de son salarié. Effectivement, il devra démontrer qu’il a tenté de pourvoir au remplacement partiel et temporaire du salarié et devra démontrer les perturbations subies par l’entreprise.
En revanche, si les faits à l’origine de l’incarcération ont eu lieu pendant les heures de travail, ils peuvent être invoqués pour justifier un licenciement pour faute. Cependant, une analyse approfondie des faits et de la durée de l’absence sera nécessaire pour déterminer la légitimité d’un tel licenciement.
Sources :
- Cass. Soc. 21/11/2000 98-41.788
- Cass. Soc. 20/07/1989 86-45.581
- Cass. Soc. 20/10/1999 97-44.631
- Cass. Soc. 09/07/2002 00-45.068