Les délégués de la CAPEB réunis en Assemblée générale annuelle
Devant les délégués de la CAPEB réunis en Assemblée générale annuelle
Elisabeth Borne : « La situation de blocage du dialogue social dans le bâtiment n’est pas satisfaisante » Alain Griset « Le plan pour les indépendants est un plan à long terme qui doit être discuté sans tabou »
Réunis hier en Assemblée générale, sous forme de visio-conférence, les délégués de la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) ont échangé, au cours d’une séance officielle, avec Elisabeth Borne, Ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion et Alain Griset, Ministre délégué chargé des PME. Une occasion pour les présidents de CAPEB départementales et régionales de faire le point sur un certain nombre de dossiers clés pour le secteur de l’artisanat du bâtiment. Le Président de la CAPEB nationale, Jean-Christophe Repon, les a accueillis par un discours franc et direct soulignant à la fois le soutien fort apporté par les aides gouvernementales aux entreprises depuis plus d’un an de pandémie, et la force et la résilience des milliers de TPE pendant la crise. Les espoirs d’une reprise durable et d’un retour à la normale des conditions de vie étaient évidemment partagés par tous le 22 avril 2021.
Jean-Christophe Repon, Président de la CAPEB« Au nom de mes collègues, je remercie la Ministre du Travail et le ministre chargé des PME d’avoir accepté notre invitation à débattre librement. Dans un contexte économique encore incertain, les entreprises artisanales du bâtiment sont confrontées aujourd’hui à des difficultés d’approvisionnements et à des hausses du coût des matériaux très importantes. Je salue toutes nos TPE du bâtiment qui ont su maintenir l’activité et aussi créer des emplois. Les aides versées en faveur de l’apprentissage sont reconduites et ça va dans le bon sens. Le relèvement des seuils des marchés publics est une bonne mesure prise dans le cadre du Plan de Relance mais qui doit être complétée par un encouragement aux GME dans le cadre du projet de loi Climat. Sur ce projet de loi en cours de discussion, les propositions du rapport Sichel continuent d’irriter fortement nos entreprises et je les comprends. La CAPEB a fait des propositions qui, nous l’espérons, seront retenues. Pour permettre aux TPE de prendre toute leur place dans le monde économique, il est essentiel que leurs voix puissent se faire entendre dans la vie paritaire. Nous demandons avec force que les règles du jeu soient modifiées pour assurer enfin une juste représentativité patronale, condition nécessaire pour lever les blocages actuels et retrouver un dialogue apaisé et des discussions sereines dans le bâtiment. J’attends de Madame Borne et Monsieur Griset qu’ils entendent nos demandes et nos préoccupations pour nous apporter les solutions dont nous avons besoin, et alertent, si nécessaire, le Premier Ministre. »
L’activité
L’activité au 1er trimestre 2021 a été bonne après une année 2020 marquée par une forte baisse d’activité d’environ 9 %. Dans ce contexte et depuis plus an, les TPE ont néanmoins su faire preuve de résilience et d’agilité pour traverser la crise sanitaire. Certes, elles le doivent aussi aux mesures fortes prises par le Gouvernement dont l’attention portée aux petites entreprises l’a été, pour la première fois, avec une telle intensité. « Pour le plan de relance, j’ai tout fait pour que le fléchage soit direct vers les petites entreprises, soit un total de 25 milliards qui s’ajoutent aux 30 milliards pour les ménages » a précisé Alain Griset.
Autre aide apportée aux entreprises pour accroitre leurs activités dans le court et le moyen terme : la numérisation, « dont l’objectif », selon Alain Griset, « est d’accompagner un million d’entreprises au cours de 2021, sur la base de projets collectifs ». Le président de la CAPEB a souhaité que le bâtiment qui a fait l’objet d’un accord filière en janvier soit éligible et retenu.
Avant la fin de l’année, « Bercy aura mis en ligne un grand portail d’entrée unique pour toutes les entreprises pour leur faciliter toutes les démarches administratives » a annoncé Alain Griset
Questionné sur un éventuel plan de sortie de crise, Alain Griset a présenté les divers scénarii, « d’abord réouvrir les entreprises fermées, selon une réouverture progressive par branches, puis on essaiera de réouvrir prudemment en consolidant pour ne pas être obligé de refermer à l’automne ». Il a tenu à souligne que pour « le moment, 95% de l’économie nationale fonctionne normalement ».
Plan pour les indépendants
« Le plan pour les indépendants est un plan à long terme qui doit être discuté sans tabou » a précisé Alain Griset, « qui souhaiterait réduire à deux statuts juridiques l’entreprenariat individuel, où la séparation devra être totale entre les biens. » La protection sociale, « véritable socle de base » concernait la couverture « pour tous les accidents du travail, les bénéfices retraite ne seraient pas perdus du fait de la pandémie, les droits de mutation seront revus afin de faciliter les transmissions, des droits propres du conjoint-collaborateur seront examinés »
Code de l’artisanat
Revoir le code du travail, revient à se poser trois questions « est-ce que les artisans sont favorables à un code spécifique et à un secteur identifié comme tel ? », « quelle définition d’un artisan ? Qu’est-ce qu’une entreprise artisanale ?» et enfin « qu’est-ce qu’une production artisanale ?» «la fin juin reste notre objectif »
Coûts des matériaux
Deux points assombrissent ce début d’année : la hausse des coûts des matériaux et les difficultés d’approvisionnement d’une part et le manque de main d’œuvre compétente d’autre part. À titre d’exemples, le prix du cuivre a progressé de près de 28 % sur un an, le zinc de plus de 22 %, le prix de l’acier est passé de 500 à 900 euros la tonne, sans compter le prix du bois qui connaît des hausses considérables. A la demande de la CAPEB, autorisant les entreprises contraintes de cesser leur activité à bénéficier du chômage partiel, la ministre du travail a précisé vouloir regarder« les deux possibilités existantes, soit de droit commun, soit lié à la crise sanitaire. »
Besoins de main d’œuvre qualifiée
La CAPEB a réaffirmé que les entreprises artisanales du bâtiment, entreprises de proximité sont les principales pourvoyeuses de main d’œuvre dans les territoires. Or elles sont en recherche de compétences sur les métiers en tension. La CAPEB attend des pouvoirs publics une dynamique nouvelle avec Pôle Emploi, une dynamique qui réponde à la pénurie de main d’œuvre qualifiée dans certains corps d’état qui représente aujourd’hui une difficulté majeure. La ministre Elisabeth Borne a rappelé que « les difficultés de recrutement étaient réelles et que le bâtiment était bien identifié comme une branche en tension », que « le service public de l’emploi est bien un opérateur avec qui on peut créer des partenariats » Les organisations professionnelles ont un rôle central dans la mise en place des divers plans de relance ; la mission de la CAPEB est de surmonter la crise et de préparer le rebond ». « Ce matin, une réunion avec l’interprofession, et donc avec l’U2P, a débattu des prêts garantis par l’Etat, du fonds de solidarité, et de l’activité partielle »
Apprentissage
Évidemment en parallèle de l’emploi, la question de la formation continue, de l’apprentissage et des compétences est au cœur des préoccupations de la CAPEB et pour répondre notamment au défi de la transition énergétique des logements. Le Président de la CAPEB a tenu à saluer les dispositifs d’aide reconduits pour soutenir l’apprentissage. La Ministre du travail a reconnu « que l’apprentissage avait fini par faire école dans d’autres secteurs ». Son ministère continue à promouvoir une politique en faveur de l’orientation des jeunes vers « nos métiers d’avenir, notamment ceux de la rénovation énergétique ».
Marchés publics
L’accès direct des TPE du bâtiment aux marchés publics et la nécessité de préserver l’allotissement sont les principales mesures que la CAPEB surveille et défend sans relâche. La CAPEB salue les mesures de simplification prises concernant le seuil pour les marches de moins de 100.000 €, mais souhaite que le principe de l’allotissement soit impérativement et systématiquement respecté pour ces marchés. Enfin, demande suprême de la CAPEB que les ministres ont approuvée : la limitation à un rang de sous-traitance dans les marchés publics et à une lutte sans merci des offres anormalement basses qui ne sont que l’émanation du recours par les donneurs d’ordre aux travailleurs détachés.
TVA réduite généralisée
A une TVA réduite généralisée, demande constante de la CAPEB, le ministre oppose toujours une fin de non-recevoir. A Bercy avant l’examen du Budget en septembre dernier, le Ministre Alain Griset avait évoqué la volonté exprimée par le Gouvernement de « décaisser » rapidement les budgets consacrés à notre secteur. Le retour à une TVA à 5,5 % pour l’ensemble des travaux de rénovation des logements, cela répondrait à ce « décaissement » et permettrait « d’embarquer » les travaux de rénovation énergétique et l’accessibilité des logements. En fois encore, la CAPEB regrette vivement ce refus gouvernemental, « dont la position très claire de refus arbitrée à Bercy et à Matignon repose en autre sur la crainte de l’effet contagieux ». La CAPEB continuera cependant de plaider pour cette mesure efficace, simple, lisible, compréhensible et à effet immédiat pour le consommateur et les ménages.
Dialogue social bloqué
Devant cette situation inédite dans le secteur artisanal, la CAPEB et l’U2P ont demandé au Premier Ministre, qu’il désigne un parlementaire en mission sur la question de la représentativité patronale dans l’interprofession et dans le bâtiment.
Elisabeth Borne a confirmé « je partage avec vous le fait que la situation n’est pas satisfaisante au moment même ou l’on veut attirer des jeunes dans le secteur » « ces blocages sont fâcheux, le droit d’opposition s’exerce cependant ». « Une mission du Haut commissariat au dialogue social serait possible » et permettrait « de trouver une voie équilibrée ». « Le nombre d’entreprises doit aussi avoir un poids ». « il faut trouver une porte de sortie et la Direction générale du travail doit y nous aider ».
La CAPEB salue cette volonté affichée de vouloir « trouver une porte de sortie » mais considère, à ce stade, que la réalisation d’une mission parlementaire est préférable.
Représentativité patronale
Autre sujet de préoccupation récurrent et réel pour la TPE : la représentativité patronale dans le bâtiment. Dans ce domaine de la représentativité patronale, la CAPEB tient à rappeler la grande iniquité du dispositif actuel où, à ce jour, la voix des TPE est muselée et le dialogue social est bloqué. Les TPE majoritaires en nombre ne peuvent peser dans la négociation. On est loin du bon sens évoqué par le président Repon en ces termes « une entreprise, une voix ». La CAPEB n’attend pas du Gouvernement qu’il prenne partie, mais qu’il mette seulement en place des « règles du jeu » équitables afin que les représentants des TPE puissent faire entendre leur voix dans le dialogue social.