2024-08-08 09:00:00

LE DROIT DE RETRAIT ET SES CONSÉQUENCES

Le droit de retrait constitue un mécanisme juridique fondamental dans le cadre de la protection des salariés contre les risques professionnels. Ce droit permet aux salariés de chaque entreprise de cesser leur activité professionnelle lorsqu’ils estiment être confrontés à un danger grave et imminent pour leur vie, leur sécurité ou leur santé.

Ce dispositif est strictement encadré par le Code du travail et présente des implications juridiques majeures pour les parties prenantes.

Cet article se propose de venir analyser les bases légales du droit de retrait, ses conditions d’exercice ainsi que les conséquences juridiques qui en découlent aussi bien pour les salariés que pour les employeurs.

Quels sont les fondements juridiques ?

Le droit de retrait repose sur les articles L.4131-1 et suivants du Code du travail qui prévoient les conditions et les protections associées à ce droit. Pour le reste, et en raison des circonstances propres à chaque situation, la jurisprudence s’est beaucoup prononcée sur l’exercice de ce droit.

A titre de rappel, le droit de retrait permet à un salarié de se retirer de situations de travail jugées imminemment dangereuses sans subir de sanctions disciplinaires ou de perte de salaire. Ce cadre légal impose également à l’employeur de prendre des mesures immédiates pour faire cesser et éliminer le danger signalé.

Une situation de danger pour la santé et la sécurité peut concerner un unique salarié ou un groupe de salariés. Ainsi, l’action en droit de retrait peut être collective.

Tout particulièrement dans le secteur du bâtiment, les dangers pouvant justifier l’exercice du droit de retrait sont nombreux et variés. Les travaux réalisés dans le bâtiment présent des risques spécifiques qui nécessitent une vigilance accrue et des mesures de sécurité rigoureuses. Il concerne, non seulement mais pas uniquement, les risques suivants :

- Risques de chute : les travaux en hauteur nécessitant l’utilisation d’échafaudages ou de plateformes élévatrices présentent un risque important de chutes si les salariés ne sont pas équipés en conséquence et/ ou si les équipements ne sont pas adaptés et sécurisés ;

- Risques d’effondrement : les travaux de terrassement, de démolition ou de soutènement peuvent entraîner des effondrements si les structures ne sont pas correctement étayées ou si les sols ne sont pas stabilisés ;

- Risques liés aux équipements : l’utilisation de machines, d’engins et d’outils peut entraîner des accidents graves, voire mortels, si ces derniers sont défectueux, mal entretenus, mal utilisés, employés sans les qualifications requises ou encore utilisés sans les protections appropriées ;

- Risques chimiques : l’exposition à des substances dangereuses peut causer des maladies professionnelles graves si les travailleurs ne sont pas protégés adéquatement ;

- Risques d’incendie ou d’explosion : l’utilisation de matériaux inflammables ou explosifs nécessite des précautions strictes pour prévenir des incendies et des explosions sur les chantiers.

Comment un salarié peut-il exercer son droit de retrait ?

Pour que le droit de retrait puisse valablement être exercé, le motif doit être raisonnable, l’alerte doit être immédiate et il ne faut pas qu’il conduise à des abus. Il faut donc que ces conditions remplissent les caractéristiques suivantes :

- Raisonnabilité : le salarié doit avoir un motif légitime de penser qu’il existe un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ;

- Instantanéité : le salarié doit immédiatement informer l’employeur, ou son représentant dûment mandaté, de la situation de danger ;

- Fondé : l’exercice du droit de retrait ne doit pas être abusif, ni avoir pour objectif de perturber le fonctionnement normal de l’entreprise.

Ces conditions sont cumulatives.

En revanche, le retrait du salarié ne doit pas créer une nouvelle situation de danger plus importante pour d’autres personnes. Si tel est le cas, le salarié commet une faute grave susceptible d’être sanctionnée.

Qui plus est, le droit de retrait ne doit pas être un moyen, pour un salarié, de faire valoir des revendications professionnelles telles qu’une augmentation de salaire ou une amélioration des conditions de travail ; qui elles, relèvent du droit de grève.

La loi et la jurisprudence n’imposent aucun formalisme pour un salarié de se retirer d’une situation dangereuse. Pour exercer son droit de retrait, le salarié doit simplement en informer son employeur par tout moyen. En pratique, il est préconisé au salarié d’informer l’employeur par écrit de son intention d’utiliser son droit de retrait et des circonstances le justifiant. Un salarié qui ne dénonce pas un risque et qui quitte son travail sera placé en absence injustifiée.

Quelles sont les conséquences pour le salarié et l’employeur ?

□ Pour le salarié :

Le salarié ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire, retenue sur salaire ou licenciement pour avoir exercé son droit de retrait de manière justifiée.

De cette manière, un salarié qui se retire de son travail en raison de l’existence d’un danger grave et imminent ne pourra pas être sanctionné pour ce fait. Il conservera également son droit à rémunération tant que la situation ne sera pas régularisée. Cette disposition garantit que l’exercice légitime du droit de retrait ne pénalise pas financièrement le salarié.

□ Pour l’employeur :

Comme énoncé ci-avant, l’employeur ne peut sanctionner un salarié ayant exercé son droit de retrait de manière légitime. Toute sanction prononcée en violation de cette disposition serait susceptible d’être annulée par les juridictions compétentes.

Au surplus, dès lors qu’il en a été informé, l’employeur est tenu de procéder à une enquête pour évaluer la situation et prendre, le cas échéant, les mesures correctives nécessaires pour éliminer ce danger. Il doit utiliser toutes les ressources à sa disposition pour faire cesser immédiatement ou, du moins, dans les plus brefs délais les dangers constatés. Le droit de retrait exige des décisions rapides lorsque l’entreprise est confrontée à une situation de danger grave et imminent. L’employeur sera contraint de prendre des mesures immédiates pour le faire cesser, conformément à son obligation de sécurité de résultat.

Le salarié peut-il rentrer chez lui après avoir exercé son droit de retrait ?

Le salarié exerçant son droit de retrait ne peut pas quitter son lieu de travail et doit rester à la disposition de son employeur. Ce dernier peut alors l’affecter, temporairement, à un autre poste compatible avec ses compétences en attendant de mettre en place les mesures de préventions adéquates et de fournir les instructions nécessaires pour permettre la reprise de son activité.

C’est seulement s’il n’est pas en mesure de placer le salarié sur un poste déchu de tout danger que le salarié pourra rentrer chez lui.

Une fois que l’employeur estime que le danger grave et imminent a été écarté, il peut demander au salarié de reprendre son poste initial.

Que se passe-t-il si le salarié exerce abusivement du droit de retrait ?

On parle d’abus de droit lorsque le salarié exerce son droit de retrait alors même que les conditions d’exercice ne sont pas réunies.

Le salarié s’expose alors à une retenue sur salaire et à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à son licenciement en fonction de la gravité de la faute.

Le droit de retrait constitue un pilier fondamental de la protection des salariés en matière de santé et de sécurité au travail, particulièrement dans le secteur du bâtiment où les risques professionnels sont nombreux et variés. En état strictement encadré par les dispositions légales et jurisprudentielles, il permet aux salariés de se prémunir contre des dangers graves tout en imposant aux employeurs des obligations en matière de prévention et de sécurité. Les conséquences juridiques du droit de retrait, qu’elles soient protectrices pour les salariés ou contraignantes pour les employeurs, contribuent à une dynamique proactive de prévention des risques professionnels et à la disparition continue des dangers omniprésents.

SOURCES :

- Articles L.4131-1 et suivants du Code du travail ;

- Arrêt de la Cour d’appel de Douai du 27/10/2006 (05/03357) sur l’absence injustifiée du salarié à défaut de dénonciation ;

- Arrêt de la Chambre sociale du 11/12/1986 (84-42.0209) sur l’appréciation souveraine des juges ;

- Arrêt de la Chambre sociale du 21/01/2009 (07-41.935) sur l’exercice du droit et la création d’un risque pour autrui ;

- Arrêt de la Chambre sociale du 22/10/2008 (07-43.740) sur l’exercice du droit de retrait collectivement ;

- Arrêt de la Chambre sociale du 11/07/1989 (86-43.497) sur la distinction entre le droit de retrait et le droit de grève ;

- Arrêt de la Chambre criminelle du 25/11/2008 (07-87.650) sur l’exercice abusif du droit de retrait et la retenue sur salaire ;

- Arrêt de la Cour d’appel de Montpellier du 11/03/2003 (02/01245) sur la sanction disciplinaire en raison d’un usage abusif du droit de retrait.