vendredi 14 février 2025

GERER ET APPREHENDER LE HARCELEMENT MORAL

Le harcèlement moral en entreprise est une problématique majeure et actuelle qui touche aussi bien la santé des salariés que la performance et l’image des entreprises.

Le harcèlement moral se définit comme des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de la personne, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

Au-delà de ses répercussions psychologiques et organisationnelles, il constitue également une violation du droit du travail. En effet, l’employeur a une obligation légale de garantir la santé et la sécurité de ses salariés. Pour caractériser cette infraction, il n’est pas nécessaire que l’auteur des faits ait eu l’intention de dégrader, volontairement, les conditions de travail de sa victime ; le seul fait que ses actes ou ses propos lui nuisent est suffisant.

Nous vous proposons d’explorer les moyens pour prévenir, identifier et gérer le harcèlement moral, tout en mettant en lumière les responsabilités juridiques des employeurs.


Une obligation légale de l’employeur en matière de santé et de sécurité

En France, le Code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Cette obligation englobe la prévention des risques professionnels, l’information et la formation des employés, ainsi que la mise en place d’une organisation et des moyens adaptés pour éviter les comportements toxiques en entreprise, tels que le harcèlement moral.

Ce même Code interdit explicitement le harcèlement moral qui se manifeste par des comportements répétés entraînant une dégradation des conditions de travail.

La loi protège aussi bien les salariés que les stagiaires ou encore les apprentis, peu important leur ancienneté ou leur lien hiérarchique.

Ces dispositions légales signifient qu’une entreprise ne peut pas se contenter de réagir aux cas de harcèlement moral ; elle doit mettre en place une véritable stratégie de prévention, sous peine de voir sa responsabilité engagée.

La prévention du harcèlement moral

Pour respecter ces obligations légales et protéger ses salariés, tout employeur doit s’assurer de mettre en œuvre des mesures concrètes et efficaces.

L’évaluation des risques psychosociaux, notamment au travers du Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP), est une obligation qui permet d’identifier les situations à risque et d’agir en amont de ces dernières.

Il est essentiel que les employeurs sensibilisent et forment leurs équipes afin que chaque collaborateur, qu’il soit salarié, membre de la Direction ou chef d’équipe, soit capable de repérer et prévenir ces comportements inappropriés. La mise en place de formations et de stages de sensibilisation constitue donc un levier clef pour prévenir le harcèlement moral en amont. Ces mesures doivent être proposées régulièrement aux salariés afin de leur apprendre à identifier les situations de harcèlement, à y réagir de manière appropriée et à connaitre les recours possibles.

NB : La médecine du travail peut participer à la prévention du harcèlement moral dans l’entreprise.

Une politique claire contre le harcèlement moral doit être formalisée, par le biais d’une charte ou d’un règlement intérieur précisant l’interdiction du harcèlement, les sanctions encourues et les procédures de signalement. La mise en place d’un dispositif de signalement sécurisé est une autre mesure essentielle, garantissant aux victimes et aux témoins la possibilité de signaler une situation en toute confidentialité, sans crainte de représailles. Lorsqu’un cas de harcèlement est signalé, l’employeur a l’obligation de mener une enquête interne, de prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin et d’assurer un suivi rigoureux afin de prévenir toute récidive.

De cette manière, si l’employeur a connaissance de la survenance de propos ou de comportements relevant de l’ordre d’harcèlement moral et que ces derniers sont avérés, il lui enjoint de prendre les mesures nécessaires, dont disciplinaires.

Ces actions sont indispensables pour garantir un cadre de travail sain et respectueux.

Les conséquences juridiques en cas de manquement

Lorsqu’un employeur ne respecte pas son obligation de prévention et de protection, il engage sa responsabilité juridique avec des conséquences pouvant être lourdes :

□ Sanctions financières : une condamnation pour harcèlement moral peut entrainer le versement de dommages-intérêts à la victime. En outre, l’entreprise peut se voir infliger une amende administrative si des manquements graves sont constatés ;

□ Sanctions pénales : le harcèlement moral est punissable de deux ans d’emprisonnement et jusqu’à 30 000€ d’amende, si des comportements dégradants sont avérés ;

□ Conséquences sur les contrats de travail : une victime de harcèlement moral peut demander la résiliation judiciaire de son contrat aux torts exclusifs de l’employeur ou même un licenciement pour faute grave à l’encontre de l’harceleur.

En résumé…

La gestion du harcèlement moral en entreprise ne se limite pas à une obligation légale : elle constitue un véritable enjeu humain, organisationnel et stratégique. En veillant à protéger la santé et la dignité de leurs salariés, les employeurs ne se contentent pas de respecter la loi, ils favorisent aussi un climat de travail sein, propice à l’engagement et à la productivité. Un environnement de travail où règnent la bienveillance et le respect réduit les risques de conflits, diminue l’absentéisme et améliore la performance collective.

A l’inverse, la gestion défaillante du harcèlement peut avoir des conséquences désastreuses : souffrance des victimes, démotivation des équipes, dégradation de l’image de l’entreprise et de lourdes sanctions juridiques. Les employeurs ont donc tout intérêt à instaurer une politique de prévention claire, à sensibiliser leurs équipes et à réagir efficacement en cas de signalement.

Finalement, lutter contre le harcèlement moral, c’est garantir un cadre de travail respectueux et sain, où chaque salarié peut s’épanouir professionnellement sans crainte de comportements toxiques. C’est un engagement fort qui renforce non seulement la cohésion interne, mais aussi l’attractivité et la pérennité de l’entreprise.

Le site du gouvernement propose un modèle de lettre pour dénoncer des comportements ou des faits propres au harcèlement moral, cliquez ici pour découvrir.

SOURCES

□ Articles L.1152-1 et suivants du Code du travail sur le harcèlement moral ;
□ Article L.4121-1 du Code du travail sur les obligations de l’employeur ;
□ Article 222-33-2 du Code pénal sur les sanctions du délit de harcèlement moral ;
□ Arrêt de la Chambre sociale du 30/11/2005 (04-13.877) sur la nécessité que le harcèlement soit commis sur le lieu du travail ;
□ Arrêt de la Chambre sociale du 08/07/2009 (08-41.638) sur la définition du harcèlement moral ;
□ Arrêt de la Chambre sociale du 10/11/2009 (08-41.497) sur l’absence de nécessité de l’intention malveillante pour caractériser le harcèlement moral ;
□ Arrêt de la Chambre sociale du 11/03/2010 (08-44.394) sur les effets du harcèlement moral ;
□ Arrêt de la Chambre sociale du 22/01/2014 (12-29.131) sur la nécessité d’une répétition des actes.