2024-09-06 16:25:02

« Un trajet pour le salarié, un trajet pour l’employeur » : STOP à cette croyance populaire

« Un trajet pour le salarié, un trajet pour l’employeur » : STOP à cette croyance populaire !

Dans le secteur du Bâtiment, une croyance circule à tort : celle selon laquelle les frais de déplacement seraient partagés entre le salarié et l’employeur, avec un trajet en charge par chaque partie. En réalité, cette fausse idée ne possède aucun fondement juridique ou jurisprudentiel. Contrairement aux idées reçues, les frais de déplacement ne sont en aucun cas partagés entre le salarié et l’employeur. Ce dernier doit assumer la totalité des frais liés aux déplacements professionnels de ses salariés.

Les ouvriers peuvent bénéficier d’indemnité de trajet et d’indemnité de transport en fonction de la situation dans laquelle ils se trouvent.


La réelle problématique découle du temps de trajet et la manière dont ce dernier est réalisé.

Pour rappel :

□ Indemnité de trajet : « cette indemnité indemnise forfaitairement la sujétion que représente pour l’ouvrier la nécessité de se rendre sur le chantier et en revenir » ;
□ Indemnité de transport : « cette indemnité a pour objet d’indemniser forfaitairement les frais de transport engagés quotidiennement pour se rendre sur le chantier et en revenir, quel que soit le moyen de transport utilisé. Elle n’est pas due lorsque l’ouvrier n’engage pas de frais de transport ».

Le trajet sera rémunéré lorsqu’il s’agit du temps de travail effectif. Le temps de travail effectif est le temps durant lequel le salarié est et reste à la disposition de son employeur l’empêchant de vaquer à ses occupations personnelles.

Situation 1 : le salarié n’est pas sédentaire puisqu’il se déplace sur les chantiers de la société ; de fait, il percevra nécessairement une indemnité de trajet. Au surplus, puisqu’il utilise son véhicule personnel, il percevra une indemnité de transport. En revanche, le trajet entre le domicile du salarié et son lieu de travail, ici le chantier, ne sera pas considéré comme du temps de travail effectif et donc ne donnera pas lieu à rémunération.

Situation 2 : comme pour le cas précédent, puisqu’il n’est pas sédentaire, le salarié percevra une indemnité de trajet. En revanche, ici, aucune obligation n’est posée par l’employeur de passer par le siège de l’entreprise, ce n’est qu’une simple faculté qu’a le salarié. De fait, comme pour la situation 1, le trajet entre son domicile et le siège de la société, s’il fait ce choix, ne sera pas considéré comme du temps de travail effectif. A cela, le trajet entre le siège et le chantier ne sera pas non plus considéré comme du temps de travail effectif. On considère que le salarié a effectué un arrêt sur son trajet initial entre son domicile et son lieu de travail (le chantier). C’est uniquement à compter de son arrivée sur le chantier que la journée du salarié débutera. Si le salarié se rend au siège de la société pour déposer son véhicule personnel et emprunter celui de la société, il ne bénéficiera pas d’indemnité de transport puisque c’est l’employeur qui supporte déjà les frais afférents au transport.

Situation 3 : ici, par rapport aux situations 1 et 2, l’employeur demande expressément au salarié de passer par le siège de la société. C’est un ordre de l’employeur et le salarié doit s’y soumettre. Ainsi, le trajet entre son domicile et le siège n’est pas considéré comme du temps de travail effectif. Cependant, le trajet entre le siège et le chantier est assimilé à du temps de travail effectif. Dès son arrivée au siège de la société, le salarié commence à travailler. De cette manière, il percevra les indemnités de trajet et le trajet effectué entre le siège et le chantier sera du temps de travail et devra être inclus dans la durée de travail du salarié. Par exemple, si le salarié met 30 minutes pour se rendre du siège au chantier, cela lui fera 1 heure de temps de trajet à comptabiliser dans sa durée de travail journalière. Qui plus est, s’il utilise son véhicule personnel pour se rendre sur le chantier, il percevra des indemnités de transport.

Situation 4 : comme pour la situation 3, l’employeur demande expressément au salarié de conduire le véhicule de l’entreprise pour se rendre sur le chantier.De fait, il percevra des indemnités de trajet. Au surplus, le temps de trajet sera considéré comme du temps de travail effectif et fera l’objet d’une rémunération.Toutefois, et puisqu’il conduit le véhicule de l’entreprise, le salarié n’utilise pas son véhicule personnel donc il ne pourra pas prétendre au versement d’une indemnité de transport.

A bien regarder ce tableau récapitulatif, on comprend bien que la notion de temps de travail effectif est primordiale car le temps de trajet devra être intégré dans la durée de travail quotidienne et hebdomadaire du salarié.

SOURCES :
□ Article L.3121-1 du Code du travail sur la définition du temps de travail effectif ;
□ Article L.3121-4 du Code du travail sur le dépassement du temps de trajet habituel ;
□ Réponse ministérielle à la question écrite n°11866 (M. PELISSARD) (JOAN Q. du 10/05/1999) sur l’imbrication entre le temps de trajet et le temps de travail effectif des salariés dans le Bâtiment ;
□ Arrêt de la Cour d’appel d’Angers du 06/11/2001 (2001/00446) sur l’imbrication entre le temps de trajet et le temps de travail effectif des salariés dans le Bâtiment ;
□ Arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 02/06/2023 (21/04995) sur l’imbrication entre le temps de trajet et le temps de travail effectif des salariés dans le Bâtiment ;
□ Arrêt de la Chambre sociale du 06/05/1998 (94-40.496) sur l’obligation pour l’employeur de verser une indemnité de trajet aux salariés se rendant sur des chantiers ;
□ Arrêt de la Chambre sociale du 14/12/2016 (15-19.723) sur le temps de travail effectif et la possibilité pour le salarié de vaquer, ou non, à ses occupations personnelles.